Menu
Communiqués et dossiers de presse

ADN tumoral circulant dans le sang : un nouveau biomarqueur du cancer

19 Juin 2012 | Par INSERM (Salle de presse) | Cancer

Repérer le plus tôt possible l’apparition de cancers ou leur rechute est l’un des enjeux de la cancérologie. Malgré les progrès de l’imagerie, la récidive de la tumeur doit avoir atteint une taille suffisante pour être visible. A l’Institut Curie, un travail co-dirigé par deux médecins chercheurs, Marc-Henri Stern et Olivier Lantz (U830 et U9323 Inserm/Institut Curie), montrent pour la première fois qu’il est possible de détecter de l’ADN tumoral circulant dans le sang de patients atteints de mélanome de l’oeil métastatique. Sa présence révèle l’existence d’une tumeur et sa quantité reflète sa taille : ceci en fait un nouveau biomarqueur susceptible de repérer très tôt la présence d’une tumeur ou d’une récidive.

Bien que réalisée sur un nombre limité de patients atteints d’une maladie rare, cette étude mise en ligne dans Clinical Cancer Research est une preuve de concept de la faisabilité et de l’intérêt clinique de la détection et de la quantification de l’ADN tumoral dans le sang. Cette technique pourrait être appliquée à n’importe quel type tumoral à partir du moment où une altération génétique spécifique a été identifiée.

Malgré les progrès dans la prise en charge initiale des mélanomes de l’oeil, ce cancer est, une fois disséminé, très difficile à traiter. L’un des espoirs est de pouvoir proposer le plus tôt possible un traitement aux patients présentant une dissémination tumorale. Mais à ce jour, les techniques d’imagerie et de biologie ne peuvent révéler que des métastases ayant déjà une taille importante. D’où l’idée des chercheurs de l’Institut Curie de détecter de l’ADN tumoral circulant dans le sang des patients.

A partir d’une prise de sang, les chercheurs détectent de l’ADN tumoral dans le sang : sa présence est la preuve de l’existence d’un foyer tumoral. © Phovoir

Détecter l’ADN circulant dans le sang : une nouvelle méthode « simple » applicable à tous les cancers

Il existe en effet un phénomène naturel de dégradation des cellules normales ou tumorales dans l’organisme et ce, afin d’assurer le renouvellement des tissus. Les cellules sont dégradées et une partie de leur matériel génétique se retrouve dans le sang. Donc, comme l’explique Marc-Henri Stern (1), « si de l’ADN tumoral est détecté, cela signifie que des cellules tumorales sont présentes dans l’organisme. »

Un travail co-dirigé par Olivier Lantz (2) et Marc-Henri Stern 1 s’est attelée à mettre au point une technique utilisable en clinique pour détecter l’ADN tumoral dans le sang sachant que celui-ci est en très faible quantité par rapport à l’ADN normal issu des autres cellules. Dans un premier temps, il a fallu déterminer comment distinguer l’ADN tumoral. « L’ADN tumoral possède les mêmes altérations que la tumeur primitive. La présence de ces mutations génétiques, en l’occurrence une altération dans les gènes GNAQ ou GNA11 très fréquentes dans ce type de cancer, est la marque de l’origine de l’ADN. » explique Olivier Lantz 2.

Les chercheurs ont ensuite eu recours à la méthode appelée « polymérisation activée par pyrophosphorolyse » (PAP), basée sur la réaction en chaîne par polymérase, pour détecter la présence de 3 mutations ponctuelles dans ces deux gènes. Cette technique allie sensibilité et spécificité puisqu’elle permet d’identifier une mutation ponctuelle dans un gène au milieu d’une quantité d’ADN équivalente à plus de 10 000 génomes entiers de cellule. Cette technique est simple, peu coûteuse et peut être mise en oeuvre dans n’importe quel laboratoire de biologie moléculaire clinique.

D’un point de vue clinique, de l’ADN tumoral a été détecté dans les prélèvements sanguins de 20 des 21 patients ayant un mélanome de l’oeil métastatique. « Par ailleurs la quantité de cet ADN était proportionnelle à la masse tumorale évaluée par imagerie par résonance magnétique (IRM) » ajoute Marc-Henri Stern. « Nous avons ainsi établi la preuve de concept que cette méthode de détection est parfaitement adaptée pour repérer la présence d’un foyer tumoral chez les patients à partir d’une simple prise de sang » complète Olivier Lantz.

Des études complémentaires sont dores et déjà prévues pour évaluer la valeur pronostique de ce nouveau biomarqueur en fonction du stade d’évolution des mélanomes de l’oeil.

Des thérapies ciblées étant en cours de développement pour cette tumeur, la recherche de l’ADN tumoral pourrait permettre de repérer très tôt une rechute – de petite taille – et donc les patients susceptibles d’en bénéficier de manière optimale, avec en prime la possibilité d’évaluer son efficacité en observant une éventuelle diminution du taux d’ADN tumoral circulant dans le sang.

Mais l’avenir de cette technique va bien au-delà du mélanome de l’oeil, puisqu’elle pourrait s’appliquer à tous les cancers chez lesquels une mutation spécifique a été identifiée.

Mélanomes de l’oeil : l’expertise de l’Institut Curie

Le mélanome de l’oeil est le cancer de l’oeil le plus fréquent chez l’adulte, avec 500 à 600 nouveaux cas diagnostiqués chaque année en France. L’Institut Curie est le centre de référence en France pour la prise en charge de cette pathologie avec plus de la moitié des patients français traités chaque année.

L’une des préoccupations majeures est la préservation de la vue. Les traitements conservateurs, qui permettent de détruire ou d’enlever la tumeur en conservant le globe oculaire, sont essentiellement basés sur la chirurgie, la protonthérapie et la curiethérapie. Si la tumeur est trop volumineuse, le traitement conservateur n’est pas toujours réalisable et une ablation chirurgicale de l’oeil (énucléation) est parfois nécessaire.

Lors du diagnostic d’un mélanome de l’oeil, il est assez rare de déceler la présence de métastases. Toutefois, 10 ans – et parfois jusqu’à 20 ans – après le diagnostic, des métastases sont décelées chez 30 à 50 % des patients.

L’uvée ne possédant pas de système lymphatique, les cellules tumorales ne se propagent que par le système sanguin. Dans plus de 80 % des cas, seul le foie est atteint. Plus rarement et plus tardivement, des métastases se développent au niveau des os, de la peau ou des poumons.

1 MH Stern est directeur de recherche Inserm, médecin expert en génétique et chef de l’équipe Génomique et biologie des cancers du sein héréditaires dans l’unité U830 Inserm/Institut Curie.

2 O. Lantz est médecin spécialiste en immunologie à l’hôpital de l’Institut Curie et chef de l’équipe Lymphocyte T CD4+ et réponse anti-tumorale dans l’unité U932 inserm/Institut Curie

Contacts
Contact Presse
Institut Curie Catherine, Goupillon-Senghor Céline Giustranti mél : rf.eiruc@esserp.ecivres Tél. : 01 56 24 55 23 Tél. : 01 56 24 55 24
Sources
Pyrophosphorolysis-activated polymerization detects circulating tumor DNA in metastatic uveal melanoma. J. Madic1,2, S. Piperno-Neumann1,3, V. Servois1,4, A. Rampanou1,2, M. Milder1,5,6, B. Trouiller1,2, D.Gentien1,7, S. Saada1,5, F. Assayag1,7,8, A. Thuleau1,7,8, F. Nemati1,7,8, D. Decaudin1,7,8, FC. Bidard1,3, L. Desjardins1,9, P. Mariani1,9, O. Lantz1,5,6,10,, MH. Stern1,2, 1 Institut Curie,Paris; 2 Inserm U830; 3 Département d'Oncologie médicale de l’Institut Curie; 4 Département d’Imagerie Médicale de l’Institut Curie; 5 Département de Biologie des Tumeurs de l’Institut Curie; 6 CIC-BT-507 Inserm; 7 Département de Recherche Translationnelle de l’Institut Curie; 8 Laboratoire d'Investigation Préclinique de l’Institut Curie; 9 Département de Chirurgie de l’Institut Curie; 10 Inserm U932 Clinical Cancer Research, mai 2012
fermer