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Communiqués et dossiers de presse

Un diurétique pour mieux soigner les épilepsies infantiles

24 Mar 2011 | Par INSERM (Salle de presse) | Neurosciences, sciences cognitives, neurologie, psychiatrie

L’épilepsie est une atteinte chronique du cerveau qui provoque des crises récurrentes dues à des décharges neuronales brusques et excessives. Elle touche plus de 500 000 personnes en France, dont la moitié sont des enfants. En étudiant chez l’animal l’action de deux antiépileptiques, l’équipe de Yehezkel Ben-Ari de l’unité Inserm 901 « INMED – Institut de neurobiologie de la méditerranée » vient de montrer comment les crises infantiles peuvent s’aggraver au fur et à mesure des répétitions et entraîner une perte d’efficacité des traitements classiques, notamment lorsqu’ils sont pris tardivement. En fait, les chercheurs ont découvert que des diurétiques réduiraient la sévérité des crises infantiles et seraient capables de maintenir l’efficacité des traitements plus longtemps.

Ces résultats sont publiés sur le site de la revue Brain, le 24 mars 2011.

Deux molécules sont utilisées en première intention pour stopper les crises d’épilepsies du nourrisson ou du bébé : le valium et le phénobarbital. Ces molécules bloquent les crises en renforçant l’action du GABA – le principal médiateur chimique du cerveau – qui inhibe les neurones. Cependant, souvent le phénobarbital ne bloque pas les crises voire les aggrave sans que les mécanismes ne soient connus.

Aujourd’hui, Yehezkel Ben-Ari et ses collaborateurs sont parvenus à décrire le mécanisme qui aboutit, crise après crise, à l’inversion des effets positifs des traitements classiques, qui deviennent inefficaces. Les chercheurs proposent une nouvelle approche pour réduire les crises d’épilepsies infantiles.

En utilisant des préparations in vitro – des structures cérébrales prélevées chez des souris – les chercheurs ont montré que le phénobarbital prévient les crises épileptiques quand il est utilisé tôt, au début des crises. Par contre, quand il est administré après plusieurs épisodes épileptiques, il aggrave les crises. Pour comprendre l’inversion des effets des traitements, les chercheurs se sont penchés sur le mécanisme associé à leur cible, le GABA et plus particulièrement la régulation du chlore qui permet son action.

Action du GABA en présence du phénobarbital dans le tissu épileptique

Le GABA agit sur les neurones par l’intermédiaire d’un récepteur canal (GABA R). Lorsque le GABA s’y fixe, il provoque l’entrée d’ions chlore chargés négativement dans les neurones. Renforcé par la présence de l’antiépileptique phénobarbital, la différence de concentration de chlore entraine l’inhibition des neurones et donc l’arrêt des crises (Figure 1).

Par contre, quand les concentrations intracellulaires de chlore sont élevées (Figure 2), le GABA va exciter les neurones en entrainant une sortie excessive du chlore par son récepteur. Or, ces concentrations sont fortement dépendantes de l’activité neuronale. Dans un tissu épileptique, le chlore s’accumule anormalement à l’intérieur des neurones.

Grâce à leurs observations, Yehezkel Ben-Ari et ses collaborateurs ont constaté, au fur et à mesure des crises, le dysfonctionnement du transporteur KCC2, exportateur naturel de chlore hors de la cellule. Après plusieurs crises, il se dégrade et ne fonctionne quasiment plus, ce qui empêche le chlore de sortir de la cellule. Par contre les transporteurs (NKCC1 et GABA R), chargés de le faire entrer dans les neurones, fonctionnent toujours. Au fil des crises, le chlore s’accumule, provoque l’inversion du flux au niveau du récepteur GABA R : c’est la crise. En renforçant les effets du GABA, le traitement au phénobarbital devient donc inefficace et aggrave les crises (Figure 2).

Forts de ces constatations, les chercheurs de l’INMED ont essayé de trouver une méthode qui permette de réduire la concentration de chlore afin de renforcer les actions inhibitrices du GABA, et par voie de conséquence favoriser l’action antiépileptique initiale du phénobarbital.

Le diurétique, connu pour diminuer les concentrations de chlore, agit sur le récepteur qui importe le chlore (NKCC1) en le bloquant. Ainsi, la concentration de chlore intracellulaire est rétablie, ce qui permet de prolonger les effets inhibiteurs du GABA et donc l’efficacité de l’antiépileptique phénobarbital (Figure 3).

Pourquoi un diurétique ?

Certains diurétiques utilisés depuis des décennies pour réduire le chlore au niveau rénal – et donc l’eau – agissent en bloquant des co-transporteurs du chlore qui sont présents au niveau des reins. Les mêmes co-transporteurs sont aussi présents dans le cerveau ; d’où l’idée de tester leurs effets sur les neurones épileptiques.

Yehezkel Ben-Ari et ses collègues ont montré qu’effectivement « Le diurétique, associé au phénobarbital réduit la sévérité des crises surtout quand il est donné à des phases précoces. En d’autres termes, l’historique des crises est crucial pour que le diurétique prolonge l’efficacité du traitement » conclut Yehezkel Ben-Ari. En prévenant l’augmentation excessive du chlore pendant les crises, le diurétique préserve l’action du phénobarbital et donc empêche l’aggravation des épisodes épileptiques. Une étude multicentrique au niveau européen est en cours afin d’évaluer l’efficacité du diurétique sur des crises sévères du nourrisson qui sont résistantes au phénobarbital. Cette étude (projet NEMO), dont les premiers résultats seront attendus en 2012, est effectuée en France et dans d’autres pays de la communauté européenne.

Zoom sur l’épilepsie
L’épilepsie est une atteinte neurologique chronique du cerveau la plus fréquente après la migraine. Elle touche entre 500 et 750 000 personnes en France et on compte environ 50 millions d’épileptiques dans le monde. On estime qu’avant l’âge d’un an l’incidence atteint 120 pour 100 000 habitants, soit 3 fois plus qu’après l’âge d’un an. Véritables « orages électriques » provoqués par une désorganisation-réorganisation des réseaux de neurones du cerveau, les crises d’épilepsie se caractérisent par des manifestations musculaires et/ou neurologiques impressionnantes, accompagnées parfois de pertes de connaissance. Les épilepsies de l’enfant peuvent entraîner des séquelles neurologiques persistantes et graves. Plus d’informations…

Contacts
Contact Chercheur
Yehezkel Ben-Ari Directeur honoraire Inserm Unité Inserm 901 - INMED Tél. : 04 91 82 81 24 / 06 20 66 80 00 Fax : 04 91 82 81 01
Sources
"Neuronal chloride accumulation and excitatory GABA underlie aggravation of neonatal epileptiform activities by phenobarbital" Romain Nardou, Sumii Yamamoto, Geneviève Chazal, Asma Bhar, Nadine Ferrand, Olivier Dulac, Yehezkel Ben-Ari and Ilgam Khalilov INMED, Inserm U901, Université de la Méditerranée, Campus Scientifique de Luminy, Marseille 13273 Cedex 09, France Brain, 24 mars 2011
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